On trouve dans les Hautes-Alpes, et dans le Queyras en particulier, et donc dans le secteur de Saint-Véran, une faune extrèmement variée. La diversité des milieux naturels, une population clairsemée, de grands espaces inhabités font que le randonneur matinal a toutes les chances de rencontrer des animaux sauvages, de toutes tailles, de toutes sortes. Pour peu qu’il n’oublie pas de lever les yeux de temps en temps, il est bien rare qu’il ne voie pas évoluer l’un des deux grands seigneurs des airs que l’on peut voir dans le ciel du Queyras : le majestueux gypaète barbu, avec un peu de chance ! et plus sûrement l’aigle royal, parfois en couple, et même avec le « petit » de l’année.
Les rapaces
Pour les distinguer l'un de l'autre lorsqu'ils sont en vol, outre la couleur orangée de l'adulte gypaète et sa taille nettement plus grande, on peut se fier à la forme de la queue : cunéïforme (en forme de losange) chez le gypaète barbu, arrondie chez l'aigle royal.
Le gypaète barbu
Le gypaète a la particularité de se nourrir de carcasses fraîches lorsqu’il en trouve, mais il est capable aussi de s’attaquer aux os, qu’il peut avaler d’un coup, ou laisser tomber sur les rochers pour les briser, s’ils sont trop gros. C’est donc un maillon précieux de la chaine alimentaire, et il a son rôle essentiel dans le nettoyage des carcasses en montagne. Ce bel oiseau, le plus grand vautour d’Europe, (il peut atteindre 3 m d’envergure) occupait l’ensemble des alpes jusqu’au milieu du XIX ème siècle, et a vu sa population s’effondrer à partir de 1900, victime d’une destruction massive par l’homme, d’une mauvaise réputation de « hyène des airs » totalement irrationnelle. Après une quasi disparition de l’espèce dans les Alpes, un programme de réintroduction a été mis en place. En 2006, 7 couples ont été dénombrés dans les Alpes françaises. On peut l’apercevoir de temps en temps dans le Queyras, mais il semble qu’il n’y ait pas de nicheur.
L'aigle royal
L’aigle royal, d’une envergure de 2 mètres environ, vit en couple. Il prépare plusieurs aires bien exposées sur la falaise, et en choisit une lors de la ponte : un ou deux oeufs à quelques jours de différence. Si la nourriture est suffisante, les deux aiglons seront élevés. Dans le cas contraire, les parents nourrissant d’abord le plus « vieux », le plus petit s’étiole, et cela finit alors très mal pour lui, le plus fort éliminant impitoyablement le plus faible.
On l’observe souvent en vol lorsque le temps va changer. Et si vous entendez croasser avec insistance un corbeau ou des corneilles, regardez : souvent ils s’acharnent sur l’aigle pour le chasser de leur territoire.
Un autre rapace remarquable, à observer à la belle saison: le circaète Jean-le-Blanc, qui se nourrit essentiellement de couleuvres et serpents. Il s’identifie très facilement grâce à sa couleur très claire, et une pratique qu’il partage avec le faucon crécerelle : le vol stationnaire ou « vol du saint-esprit ». Migrateur, visiteur d’été de l’Europe du Sud et de l’Est, il est sédentaire en Inde.
Il a été observé en 2008, à l’automne, tout un groupe d’autours des palombes, (renseignements pris auprès de spécialistes) harcelant un circaète au dessus du col de l’Eychassier, environs du col Vieux.
Le vautour fauve
Le Vautour fauve a fait lui aussi un grand retour dans le Queyras. Il est maintenant observé tout les étés, venant vraisemblablement de la Drôme voisine, attiré par l’estive des moutons, qui génère forcément quelques pertes et cadavres.
"Son crâne recouvert d'un duvet blanc est prolongé par un cou étroit et long d'où émerge une collerette de plumes hérissées blanches et duveteuses. Le bec puissant de couleur corne est pâle, les yeux jaunes. L'ensemble de la poitrine et du ventre fauve contraste harmonieusement avec le dos et le croupion chamois-brun. Les rémiges et les plumes de la queue courte et carrée adoptent une coloration brun-foncé noir. Le dessous est recouvert de stries brunes.
Le vautour fauve fréquente les paysages ouverts avec falaises et dénivelés importants. Ceci correspond à ce que l'on pourrait appeler région de moyenne montagne. Il apprécie les climats chauds et ensoleillés, aussi peut-on fréquemment l'observer sur les corniches, les rebords des failles et dans les cavernes des massifs méditerranéens." (source "oiseau.net")
Voir voler ce grand voilier, à l'instar du gypaète, est inoubliable.
On pourra observer également la buse variable, l’épervier d’Europe, et très exceptionnellement le percnoptère d’Egypte.
Quelques oiseaux remarquables
Arrêtons- nous un peu sur le tétras-lyre, ou petit coq de bruyère.
(A noter que le grand tetras a été déclaré espèce éteinte dans les Alpes françaises en 2007)
Lui-même est extrèmement menacé dans le Queyras et ailleurs Le développement des activités de neige, raquettes et ski de randonnée, a beaucoup dérangé ce gros gallinacé. En effet, il ne se nourrit que d’aiguilles de pin en hiver, nourriture très peu énergétique ! sa stratégie de survie à lui est de se laisser recouvrir de neige pour vivre en semi-léthargie.
Lorsqu’il est dérangé, il sort comme un boulet de canon de son abri pour s’envoler quelques centaines de mètres plus bas. Perturbé plus de trois fois dans l’hiver peut suffire à le faire mourir d’épuisement. On voit sur la photo ci-dessus le trou de sortie du tétras de son abri : il a pris appui avec ses ailes sur la neige pour décoller.
Le randonneur éclairé connaît l’habitat de cet animal, pelouses alpines (myrtilles) parsemées de pins avec une prédilection pour les crêtes orientées au sud, et évitera soigneusement de passer près de ces petits monticules semés de crottes. En hiver, il faut éviter les petites étendues de neige vierge, à proximité des bois, où l’on peut repérer le trou d’entrée de l’animal, et…rester discret !
…et aussi le chocard à bec jaune, qui tutoie les sommets, le grand corbeau, et de nombreux passereaux.
Les petits mammifères
La montagne est un milieu difficile, avec ses variations de températures extrèmes, ses hivers rigoureux, ses falaises abruptes, et pourtant, de nombreux mammifères se sont adaptés et ont adopté des stratégies de survie différentes selon les espèces.
L’hiver est sans conteste la saison de tous les dangers : peu de nourriture, l’épaisseur de la neige qui rend difficile tout déplacement, sans parler des risques d’avalanche qui font chaque année payer un lourd tribut aux populations de chamois, bouquetins et autres mouflons…
Il leur faut donc avant tout économiser leurs forces, et ne se dépenser que pour se nourrir.
Amis randonneurs, vous qui les rencontrerez éventuellement lors d’une sortie en raquettes ou ski de randonnée, ne cherchez pas à les approcher ! chaque animal a sa distance de fuite, il est préférable de les observer à la jumelle.
Le campagnol des neiges, lui, a choisi de se cacher sous la neige, où la température reste relativement clémente, 0°C. On peut voir au printemps ses galeries courir juste à la surface de la terre.
La jolie hermine change de couleur. Elle devient donc blanche l’hiver, pour mieux se confondre avec la neige et échapper plus facilement aux prédateurs. Elle se nourrit …du campagnol des neiges !
Le lièvre variable , ou « blanchot » a adopté la même stratégie, seule l’extrémité de ses oreilles reste noire, et on peut le trouver jusqu’à la limite des neiges éternelles, contrairement à son cousin cousin, le lièvre commun, que l’on trouve plus près des habitations. Lui vient se nourrir l’hiver dans nos jardins des branches de l’année de nos jeunes arbres qui dépassent du manteau neigeux, entre autres. Ce sont tous les deux des herbivores.
Vous croiserez sans doute dans le bois du Suffie l’écureuil roux.
Très nombreux sont les renards dans le Queyras. A la tombée de la nuit, et même parfois en plein jour, il est fréquent de voir Goupil traverser la route et les jardins, venir fureter dans le village, loucher sur les poules et les lapins. Les matins d’hiver, on peut voir sa trace dans la neige, en ligne.
Figure emblématique de nos prairies montagnardes, la marmotte n’est pas en voie de disparition ! ce serait plutôt le contraire ici dans le Queyras. Vous ne pouvez pas la manquer, car elle se rapproche de plus en plus des zones habitées, au grand dam des agriculteurs qui voient leurs prés de fauche parsemés de trous, et des cailloux qui vont avec…il semble pourtant que son prédateur naturel, l’aigle royal, soit en légère augmentation. Sa tactique de survie est radicale : elle hiberne des premiers frimas jusqu’au printemps, après avoir accumulé toute la belle saison sa réserve de graisse.
Le blaireau, visible le soir tombé ou à l’aube, est omnivore, et passe l’hiver essentiellement a l’abri dans son terrier
Les gros mammifères
Le chevreuil
En fin de journée, il suffit souvent de prendre ses jumelles et de regarder en dessous du Raux, pour apercevoir l’élégant chevreuil revenu en force depuis quelques années sur Saint-Véran, paissant sereinement à Pré la Chalp, ou le long de l’Aigue Blanche entre le Raux et la Chalp dans la dernière lumière de l’après-midi…Vous pourrez trouver dans la nature les bois du brocard (mâle) qu’il perd à l’automne. La femelle ne porte pas de bois. Il peut arriver au détour d’un sentier forestier de tomber sur leur petit, le faon, couché et parfaitement immobile : vous les avez surpris, il fait le mort, la chevrette n’est pas loin. Il faut se retenir de le toucher : imprégné de l’odeur de l’homme, sa mère pourrait l’abandonner…
Vous entendrez souvent le brocard défendre son territoire le soir dans les bois au dessous du Raux.
Le chamois
Le chamois est un animal adapté à la montagne par excellence. Ses sabots durs et tranchants, bordés de matière spongieuse, sont mobiles, et une membrane limite leur écartement, leur permettant ainsi de s’adapter à toutes les aspérités du terrain. C’est un animal farouche, difficile à approcher. En fin d’hiver, les femelles sont pleines, et redescendent plus bas dans la forêt. Ils se couvrent d’une bourre épaisse et sombre en hiver, pour muer au début du printemps, devenant alors brun-clair. Voir un ballet de jeunes chamois au printemps sur les derniers névés est un véritable enchantement.
A noter un excellent film documentaire ou vous pourrez voir cette scène, et bien d’autres de la vie animale à la montagne « Vertige d’une rencontre », de Jean-Michel Bertrand, grand prix du meilleur film nature 2009 de Namur.
Le bouquetin
Le bouquetin des alpes sorte de (grosse !) chèvre des montagnes, partage avec le mouflon le fait d’avoir une origine semi-domestique, et d’avoir été réintroduit en 1995 pour l’un et importé en 1973 pour l’autre dans les Alpes. Le premier parce qu’il en avait pratiquement disparu, victime en grande partie de la crédulité des hommes qui attribuait des vertus médicinales à toutes les parties de son corps, jusqu’à ses crottes ! Nous voyons aujourd’hui avec grand plaisir ce grand mammifère peu farouche et protégé, réinvestir le Queyras et Saint-Véran. Très agile, il se déplace sans problème sur les pentes les plus escarpées.
Le deuxième, importé de Corse pour le plaisir des chasseurs de l’époque, est un ancêtre du mouton. Mal adapté à la neige profonde, il est la proie préférée du loup. Il se tient surtout du côté d’Arvieux. Il n’est plus chassé dans le Queyras.
Le lynx
Le lynx, félin extremement discret, sort la nuit. Carnivore, il vit dans les forêts, sous-bois denses, et a été réintroduit il y a 30 ans en France.
Il a été vu sur le secteur par un dameur de ski de fond, mais il reste très improbable de l’observer, car il se méfie énormément de l’homme.
Le loup gris
Le loup gris, enfin, animal protégé, objet de toutes les passions…
C’est un super prédateur, son cerveau est d’un tiers plus grand que celui d’un chien, avec un sens de la famille hyper développé, et sont en couples pour la vie. Seul le couple dominant pourra se reproduire, la saison des accouplement commençant vers la fin de l’hiver, 5 à 7 louveteaux verront le jour 2 mois après.
Le loup est capable de s’adapter à des biotopes très différents : petits gabarit dans le désert d’Arabie, on le retrouve aussi dans l’extrème Grand nord entre 4000 m et 6000 m d’altitude !
Chez nous, une meute compte entre 4 et 7 loups. Il y aurait deux meutes actuellement sur le secteur, naviguant entre le Queyras et l’Italie voisine, d’où il est revenu côté français il y a environ 20 ans.
De loin, si vous pensez en voir un, sachez qu’il est reconnaissable entre autres au fait qu’il ait la queue basse, contrairement au chien qui a la queue en trompette. Seul le mâle dominant a la queue horizontale.
Une meute se déplace sur un territoire de 200 km2, ce sont des excellents nageurs et peuvent atteindre une vitesse en chasse de 60 km/h.
Comment ne pas évoquer le loup sans parler de la forte polémique qu’il engendre dans les régions d’élevage, comme ici dans le Queyras. Symbole fort de la vie sauvage, indispensable à la biodiversité et l’équilibre entre les espèces, il faut bien aussi comme nous tous qu’il se nourisse… Pour lui donc pas de différence entre le mouflon peu habile dans la neige et autres proies sauvages, et le mouton en estive l’été. On peut comprendre le désarroi de l’éleveur qui voit une ou plusieurs brebis égorgées, et même parfois tout un troupeau qui, pris de panique, saute par delà une barre rocheuse. Le stress subi par les brebis survivantes gravides peut les amener à avorter. Il ne faut donc pas négliger le choc que cela peut engendrer chez le troupeau…et l’éleveur. Lorsque cela arrive, un expert est envoyé sur place pour confirmer ou non l’attaque par rapport à celle éventuelle d’un chien (angle d’attaque, largeur de la morsure…), et, si l’attaque est prouvée, l’éleveur reçoit une indemnisation.
Toutefois, une stratégie de défense a été mise en place depuis quelques années, pour protéger le plus possible les troupeaux : un ou plusieurs patous surveillant le troupeau, lui-même ramassé pour la nuit dans un enclos. Cela a permis de bien limiter les attaques, même si cela arrive encore ponctuellement.