La légende de Saint-Véran
« Il y avait pour lors en ces quartiers là, un dragon d’une prodigieuse grandeur, lequel désolait tout son voisinage, et rendait la campagne presque inhabitable. Ce monstre avait sa tanière dans une caverne des rochers du Vaucluse, d’où venant à sortir avec impétuosité, lorsqu’on y pensait le moins, il se ruait sur le bétail et sur les hommes qu’il trouvait dans les champs, égorgeant, dévorant tout ce qu’il rencontrait sans qu’il fût possible d’esquiver sa furie, à cause qu’il avait des ailes, et qu’aussi on n’avait pas le loisir de se mettre à l’écart.
Outre son énorme grosseur, il était tout couvert d’écailles impénétrables à toutes sortes de traits; son dos bigarré d’une multitude de couleurs jetait une lueur effroyable; ses yeux rouges et étincelants ressemblant à deux soupiraux d’une fournaise ardente, et quand il ouvrait sa gueule pour hurler, on en voyait sortir une haleine fumeuse qui faisait juger de loin qu’il vomissait des flammes »
Chanoine François Mathieu, 1665
Les gens de la région, effrayés, demandèrent à l’évèque Véran de Cavaillon de les délivrer de ce monstre…
Muni du signe de croix, Véran s’avança dans la caverne, commanda au dragon de venir se présenter devant lui. L’animal sortit et vint se coucher à ses pieds. Le prêtre l’épargna mais l’enchaîna et le traîna jusqu’au pied du Luberon. Là, lui ordonnant de quitter la région et de plus faire de mal aux habitants et à leurs bêtes, il lui rendit la liberté.
Saignant lors de sa retraite, le dragon laissa tomber des gouttes de sang, d’où la présence en France d’autres villages nommés Saint-Véran, ou Saint-Vérand, dans l’Isère, le Rhône et la Saône-et-Loire.
A noter aussi un Saint-Vran, dans les Côtes d’Armor, et un Saint-Vérain, dans la Nièvre.
D’aucuns disent que Véran empoisonna le terrible dragon, qui se traîna alors, perdant son sang, le long de la Durance, et vint mourir sur la montagne de Beauregard à Saint Véran. Les six villages traversés reçurent aussi ce nom.
Saint Véran est le Saint patron des bergers transhumants
Jean-Pierre Imbert et ses moutons : changement de montagne à la fin juillet
Quelques repères historiques
On peut se demander ce qui a pu amener des gens à venir habiter ici, les conditions de vie étant plutôt rudes : probablement Saint-Véran a t-il été habité d’abord de façon saisonnière par des bergers venus de Provence, d’où la tradition de la Transhumance. La région a peut-être également servi de refuge durant les années de sécheresse, les épidémies de peste ou de choléra, symbolisées par le dragon…
Le village n’a pas été épargné par le passage des troupes qui pillaient cultures et troupeaux.
En 1343, le Dauphin octroie une « Charte des Libertés » aux habitants du Queyras, du Briançonnais, Oulx Pragela et Château Dauphin (aujourd’hui ces trois derniers sont italiens), et c’est ainsi que nait la « République des Escartons », dissoute en 1789 : ce qui fait dire aux queyrassins que la révolution leur a fait perdre leurs privilèges !
Véritable symbole du fonctionnement de l’Escarton, ainsi que de cette solidarité voulue et organisée par les institutions locales, cette armoire, qui contenait les archives de la vallée, se trouve maintenant à Chateau-Ville -Vieille, siège de l’Escarton.
Réalisée en 1773 par J.Sibille, ébéniste de Saint-Véran, ce meuble est fermé par huit serrures : les sept communes possédaient chacune une clef, tandis que le secrétaire de la vallée avait la sienne.
L’armoire n’était ouverte qu’en présence de l’ensemble des représentants.
Au XVIème siècle, les guerres de religion vont considérablement appauvrir le pays.
Les terribles incendies de 1526 vont détruire Le Travers, de 1882 Le Raux, et 1901 La Chalp.
Malgré cela, Saint-Véran a su conserver un patrimoine architectural très riche,car, dès 1526, la population s’est organisée pour lutter contre les incendies en créant des quartiers où un espace coupe-feu non construit en évite la propagation. Puis, en 1874, une souscription permet l’achat d’une pompe à incendie, toujours visible près de la mairie. Enfin, à partir de 1870, les maisons sont reconstruites sur le même modèle, (grange, caset..) mais en pierre et non en rondins de mélèze.
En 1846 est redécouvert le site minier de cuivre. Son exploitation commence en 1901.
Sur la route de la Mine, on peut voir encore les vestiges d’une carrière de marbre, exploitée de 1890 à 1900.
En 1856, la route des Gorges relie Guillestre au Queyras. C’est le début du tourisme d’été avec l’arrivée des alpinistes anglais (Wymper, Coolidge etc..)
Le tourisme d’hiver débute dès 1937 grace à l’architecte Jacques Couëlle, à l’origine de l’installation du téléski du Pré du Géant sur la route de la mine de cuivre.
La guerre de 39-45 anéantit tous ces efforts de développement…et les grosses inondations de 1957, en dévastant les terres agricoles, sont responsables du dernier grand exode : il ne reste plus en 1962 que 223 habitants, contre 839 en 1851.
La ténacité des jeunes saint-véranais a permis la renaissance du village, grace au développement du tourisme d’été et des sports d’hiver.